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In Memoriam : Samuel Paty (1973 - 2020) - Dominique Bernard (1966 -2023)

Par GUILLAUME LEBOURGEOIS, publié le mardi 14 octobre 2025 19:17 - Mis à jour le mardi 14 octobre 2025 19:21
Ce mardi, des temps d’hommage à la mémoire de Samuel Paty et Dominique Bernard, deux professeurs assassinés dans l’exercice de leurs fonctions, étaient organisés dans les établissements scolaires.

“Je ne veux pas que dans dix ans, quand on prononcera le nom de Samuel Paty, on ne sache plus qui c’est”

Dans le magazine Télérama, l'historienne Valérie Higounet est interrogée à l'occasion de la parution de son livre essentiel, Samuel Paty, un procès pour l'avenir (Flammarion).

Vous avez assisté au procès de l’assassinat de Samuel Paty. Pourquoi en avoir fait un livre ?
Ce n’était pas mon intention de départ. J’y allais quasiment tous les jours avec mon carnet pour prendre des notes, par intérêt intellectuel. Je voulais entendre les accusés, n’ayant fait que lire leurs dépositions jusqu’à présent. Mais l’idée était aussi d’être aux côtés de Gaëlle Paty, la sœur de Samuel. Sauf que très rapidement, après le verdict, je me suis dit qu’il fallait écrire un livre pour poursuivre le fil de la réflexion entamée dans la BD Crayon noir. Samuel Paty, histoire d’un prof, pour continuer d’appréhender l’incompréhensible, pour essayer de saisir comment on en arrive à ce point nodal qu’est la décapitation de Samuel Paty.

Je souhaitais, par ailleurs, que ce récit détaillé puisse servir de point d’appui lors des interventions dans les lycées. Il est indispensable de s’adresser aux jeunes, d’aller voir cette génération qui s’informe sur les réseaux sociaux pour lui parler de la propagation des messages de haine sous-tendus par une idéologie meurtrière. La semaine dernière, j’étais à Arras — tout un symbole… — devant deux cents lycéens qui n’arrêtaient pas de lever le doigt pour poser des questions. C’était extraordinaire. Enfin, je ne veux pas que dans dix ans, quand on prononcera le nom de Samuel Paty, on ne sache plus qui c’est.

Ce récit est-il une manière de rendre justice non seulement à l’homme, mais aussi au monde enseignant ?
En rétablissant la vérité des faits, ce livre est un moyen de lutter contre les instrumentalisations autour de l’histoire de Samuel Paty. Des instrumentalisations émanant de l’extrême droite, qui voudrait faire croire que tout le monde a abandonné ce professeur, que les autres enseignants n’ont pas été solidaires, que l’Éducation nationale n’a pas joué son rôle, et que la laïcité serait bafouée. Tout ceci est faux. Les profs étaient là au procès. Certains y ont exprimé leur émotion et leur loyauté vis-à-vis de Samuel Paty. Si la peur s’est estompée, ils n’oublieront jamais cette journée fatale. Ils sont traumatisés. Pendant ce temps, j’ai énormément pensé aux enseignants. Il est primordial de rendre justice à ces hommes et à ces femmes dont la mission est si fondamentale dans notre société.

Écrire, dites-vous, permet d’empêcher que « la mort ait le dernier mot ».
J’ai emprunté à Yannick Haenel cette phrase, que j’ai si souvent retrouvée paraphrasée. J’ai entendu plein de gens confier leur désir que Samuel Paty continue à vivre dans les livres, à travers le prix qui porte son nom, dans le travail de ces enseignants qui le font exister dans leurs classes, comme dans les manuels d’histoire qui reprennent des séquences de Crayon noir. On ne doit pas oublier cet enseignant assassiné dans l’exercice de ses fonctions par un homme qui voulait faire le djihad en France. Comme on ne doit pas oublier Dominique Bernard, ce professeur de lettres poignardé à mort dans son lycée, à Arras, dans des circonstances différentes, mais pour un motif similaire. On lui a fait une place dans la nouvelle version de Crayon noir, qui a été réimprimé. J’espère qu’on n’aura plus à faire de mises à jour…

 

Au nom de mon frère : les derniers jours de Samuel Paty

Le documentaire choc « Au nom de mon frère », consacré aux derniers jours du professeur tragiquement décapité par un terroriste islamiste. Ce film pointe du doigt les manquements de l'État et de l'Éducation nationale dans cette affaire bouleversante.

Deux livres essentiels :

Le Cours de Monsieur Paty de Mickaëlle Paty & Emilie Frèche

« J’ai décidé de publier le cours de mon frère pour lui rendre sa dignité d’homme et de professeur. Parce que ce cours est la raison pour laquelle mon frère est mort, et que vous ignorez tout de son contenu. Vous ne savez pas que c’est dans le cadre de cet enseignement, inscrit au programme de quatrième, que Samuel a montré des caricatures. Je le publie aussi parce que j’ai entendu trop de « Oui, mais. » Or en France, on ne met pas de « Oui, mais » après qu’un professeur se soit fait décapiter. On met un point. »

Après la mort de son frère, il a fallu quatre ans d’enquête à Mickaëlle Paty pour faire la lumière sur cette affaire qui a bouleversé la France. Son combat pour rétablir la vérité révèle les failles de l’administration, les manquements politiques. Et, par-dessus tout, l’abandon d’un homme à la barbarie et, avec lui d’une partie de nos valeurs.


Samuel Paty, un procès pour l'avenir de Valérie Igounet & Gaëlle Paty

Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, a été atrocement assassiné le 16 octobre 2020 à la sortie de son collège de Conflans-Sainte-Honorine. Son meurtrier, Abdoullakh Anzorov, un islamiste tchétchène est aussitôt abattu par la police.
Quatre ans après cet événement qui a profondément choqué l’opinion publique, la cour d’assises spéciale de Paris a jugé et élucidé le rôle de huit personnes poursuivies par la justice. Le terrible engrenage de mensonges, de manipulations et de messages de haine diffusés sur les réseaux sociaux a été mis au jour.
Valérie Igounet, historienne, et Guy Le Besnerais, dessinateur, ont assisté, côte à côte, aux sept semaines de ce procès historique. Non loin d’eux, Gaëlle Paty, sœur de Samuel, était présente chaque jour au tribunal, pour écouter et pour témoigner. Dans cet ouvrage à trois voix, ils retracent le fil de ces longues journées d’audience.
Ce projet est né de leur conviction commune : ce procès doit servir pour l’avenir.
Il est question ici de l’islamisme et de l’endoctrinement, de la liberté d’expression et de l’enseignement, du blasphème et du mensonge, de la laïcité et de la démocratie. Il est aussi question de l’horreur du crime et de vies dévastées. Les faits, les paroles, l’émotion.
Ce livre est une leçon d’humanité.